Bienvenue dans cet article consacré aux automobiles hautes performances et leur technologie. Tu vas découvrir une auto qui décoiffe même les plus chauves d’entre nous !
Je fais ici le lien vers cet article concernant la Koenigsegg Jesko Absolut qui elle aussi est là pour envoyer valser ta tignasse.
Cette auto est ce que l’on peut appeler une hypercar. Son nom est Tuatara (le nom d’un lézard en langue maorie), elle est construite sur le sol américain par SSC North America. Pour faire parler d’elle, son constructeur espère la voir dépasser les 300 mi/h (483 km/h) et peut-être devenir la voiture la plus rapide du monde ! Sa puissance de 1750 ch est énorme, son aérodynamisme optimisé pour la vitesse mais il y a toutefois un élément qui la différencie de ses adversaires. Il s’agit du fonctionnement de ses deux turbos. Je t’invite directement à lire le contenu de cet article pour en apprendre un peu plus.
SSC North America : une aventure 100% US
SSC North America n’est pas ce que l’on peut appeler un constructeur auto grand public. C’est un artisan de niche qui vend du rêve (concret) à très haute vitesse à un très faible nombre de personne. Son aventure commence sous un autre nom, celui de Shelby SuperCars en 1998 grâce à l’ambition de son propriétaire Jerod Shelby.
Une querelle est apparue entre Jerod Shelby et Caroll Shelby (aucun lien de famille), la légende du sport automobile et possédant la société commercialisant les Shelby (modification de modèles Ford). Cela aboutit au changement du nom de la société en 2012 pour éviter une confusion.
SSC North America existe à West Richland dans l’état du Washington. L’endroit concentre la fabrication et l’assemblage de A à Z de ces modèles, des espaces bureaux et un lieu de vente/présentation des modèles. Il y a une centaine d’employés embauchés sur ce site au milieu des bois américains.
Auparavant SSC North America utilisait des entrepôts en Californie, en Arizona et dans l’état du Washington. On imagine que la situation actuelle permet une meilleure gestion des flux et inscrit l’entreprise comme un véritable acteur local.
A l’origine de la SSC Tuatara, l’Ultimate Aero Twin Turbo
La première voiture construite par SSC North America a pour ambition de rivaliser avec la Bugatti Veyron. On est ici en 2007, année de production de l’Ultimate Aero TT. La dernière version de l’Ultimate utilise un moteur essence V8 de 6.3 l de 1287 ch pour 1249 kg. Avec ces chiffres hors norme, cette auto décroche le record de la voiture de série la plus rapide du monde à 412,33 km/h le 13 septembre 2007.
Quelques années plus tard, SSC North America décide de trouver un successeur à l’Ultimate Aero TT. C’est vrai, pourquoi ne pas améliorer la précédente copie, ajouter des chevaux et récupérer ce record de vitesse (piqué par Bugatti puis Koenigsegg) ? Ainsi fût conçue la SSC Tuatara dont le premier concept turbo apparaît à Pebble Beach en 2011. La voiture reste un peu dans l’oubli pour revenir sur le devant de la scène en 2018, toujours à Pebble Beach, en tant que prototype. Sa production est belle et bien lancée après 10 années de recherche et développement. Elle coûte la somme de 1 300 000 € ! SSC North America fabriquera 100 exemplaires de cette auto.
SSC Tuatara : une auto turbo taillée pour la vitesse
Après avoir vu le contexte de création de la marque SSC North America et de son premier modèle, attachons-nous au porte-drapeau de la marque. Je vais te parler de la SSC Tuatara dans ses moindres détails jusqu’au turbo. Pour commencer, rien de mieux qu’un petit tour du propriétaire.
Un look d’avion de chasse
Quand on regarde premièrement l’extérieur de cette Tuatara, on ne peut que l’imaginer fendre l’air à toute vitesse. Le style est américain, l’auto dessinée par Jason Castriota, ancien designer de Pininfarina et de Saab. La carrosserie en fibre de carbone utilise des courbes simples et aérodynamiques. La voiture fait 4,62 m de long, 2,06 m de large pour 1,07 m de haut.
Cette auto a des portes papillons, un petit coffre à l’avant car le moteur situé à l’arrière prend toute la place.
Niveau aérodynamisme, SSC North America annonce un coefficient de traînée (Cx) de 0.279 ! Presque au niveau de la Koenigsegg Jesko Absolut et ses 0.278. En prenant en compte la surface frontale de ces 2 bêtes, cela pourrait renverser la balance. A toi de faire le calcul et de mettre ça en commentaire 🙂
Ce coefficient de traînée s’explique par l’utilisation d’ailettes à l’arrière qui sont là pour faciliter l’écoulement de l’air et diminuer les turbulences. On constate également la présence d’un aileron actif à l’arrière pour aider au ralentissement du bolide.
La hauteur de caisse se pilote selon le mode sélectionné au volant. On a le mode Sport qui permet d’avoir l’avant à 10 cm et l’arrière à 11.5 cm. Le mode Track, utile pour rouler sur circuit, baisse les suspensions. La voiture se retrouve avec 7 cm à l’avant et 8 cm à l’arrière. Tout juste assez pour voir venir les vibreurs sans avoir peur d’arracher le bas de caisse 🙂
Un cœur survitaminé
On a vu que l’auto fend l’air grâce à un aérodynamisme optimisé en ayant le moins de résistance aérodynamique. Toutefois, il faut un moteur bien puissant pour emmener l’auto à des vitesses plus qu’intéressantes.
SSC North America a fait appel à Nelson Racing Engines (et à son architecte moteur Tom Nelson) pour la conception de son groupe motopropulseur. La base du moteur est un moteur V8 américain complètement revu pour tenir la puissance attendue. Il n’est donc pas usiné dans une pièce de métal, il est conçu dans un moule où l’on a coulé le métal. Cela lui procure une solidité et une résistance à la chaleur encore plus importante qu’un bloc moteur usiné.
Et en parlant de puissance, la Tuatara développe pas moins de 1750 ch en carburant à l’éthanol (E85). Si c’est de l’essence simple, elle donne 1350 ch.
Je vous explique ici en quoi l’utilisation du carburant E85 permet à la Tuatara de gagner 400 ch !
Le carburant E85 a un rapport stœchiométrique de 9,8, l’essence classique 14,7. Ce qui veut dire qu’il faut mettre plus d’E85 que d’essence classique dans le moteur. Toutefois, l’E85 a un indice d’octane plus élevé que l’essence classique. Le rendement de l’E85 est meilleur. On se retrouve assez proche en terme d’efficacité pour ces 2 carburants.
L’avantage clé de l’E85 est qu’il passe de l’état liquide à l’état gazeux à une chaleur plus élevée que l’essence. Cela permet à ce carburant d’être plus résistant à la détonation. Il est donc possible d’ajouter une quantité plus élevée d’E85 dans le moteur et d’avoir une combustion beaucoup plus puissante.
Au final, l’E85 permet au moteur de sortir une puissance plus importante que l’essence classique mais la consommation sera elle aussi augmentée.
Alors ce moteur V8 fait 5,9 l de cylindrée et le régime moteur maximum est de 8 800 tr/min. Il est en position centrale longitudinale. C’est à dire qu’il se trouve entre les roues avant et arrière. Le longitudinale veut dire que l’axe du vilebrequin est dans la direction avant/arrière de la voiture, une position assez classique pour les autos de ce calibre.
Il y a 2 injecteurs par cylindre et le taux de compression moteur est de 8,80:1. C’est un taux de compression assez faible qui s’explique par l’utilisation de deux turbos. En effet, l’air qui entre dans le moteur grâce aux turbos a déjà beaucoup de pression. Avoir un taux de compression faible permet d' »encaisser » cette pression d’air et d’alléger les tensions sur les composantes du moteur.
Les deux turbos logés de chaque côté du moteur servent à atteindre la puissance et le couple gigantesque de cette auto.
Un vilebrequin plat, oui monsieur
Je ne l’ai pas précisé, le moteur qui anime la Tuatara est à vilebrequin plat. Ça n’a pas l’air comme ça mais c’est un choix technique très intéressant. Décryptage dans les lignes qui suivent.
Je rappelle donc en quelques mots que le vilebrequin récupère le mouvement de translation des pistons pour se mettre à tourner et provoquer la rotation moteur. Un vilebrequin a plusieurs portées qui guident son axe central. Chaque portée est reliée à un piston par l’intermédiaire du système bielle/manivelle.
Pour la SSC Tuatara, le vilebrequin est plat, les portées se trouvent l’une en face de l’autre. Si tu imagines le vilebrequin au sol, la moitié des portées se trouve à gauche et l’autre moitié à droite. Elles sont dans le même plan, décalées de 180°.
L’avantage du vilebrequin plat est que l’échappement du mélange air/carburant brûlé est facilité. L’échappement est réalisé par groupe de cylindres, ceux de gauche puis ceux de droite. Grouper plusieurs cylindres, permet de mutualiser le moment d’échappement et de faciliter la sortie du mélange, surtout à haut régime. Les conduites d’échappement ne sont presque pas tortueuses et les gaz d’échappement s’écoulent alors mieux à 8 800 tr/min.
Le vilebrequin plat procure un excellent bruit. C’est un critère important 🙂
Enfin, le dernier avantage est qu’un vilebrequin plat est plus léger et plus petit ce qui améliore la baisse du centre de gravité et aide à atteindre des régimes moteurs élevés. Ah oui un inconvénient du vilebrequin plat est qu’il génère de la vibration en fonction de sa taille. Toutefois, on est ici sur de la voiture hyper sportive, la vibration n’est pas un problème. Le but de cette voiture est d’être la plus rapide possible, pas la plus silencieuse/confortable.
Et du costaud pour la transmission
Petit point sur la transmission de cette puissance au sol. Le moteur relié à une boîte de vitesse manuelle robotisée (palettes au volant) à 7 rapports de chez CIMA, la T1107. Une boîte que l’on retrouve dans la Koenigsegg Agera RS et qui est idéale sur des autos avec un couple énorme. Elaborée avec un alliage de la plus haute qualité, ses engrenages sont hélicoïdaux et elle pèse moins de 100 kg.
Ainsi, la boîte de vitesse permet des changements de rapport en moins de 100ms, SSC North America annonce même 50 ms en mode Track. Cette boîte transmet le mouvement aux roues arrières, ce qui fait de la Tuatara une propulsion.
Enfin, la Tuatara est chaussée de pneus non pas à l’américaine, mais à la française ! On retrouve des Michelin Pilot Sport Cup 2 de 245/35/R20 à l’avant et 345/30/R20 à l’arrière. Du 20 pouces et du pneus très large à l’arrière pour transmettre au mieux les 1750 ch au sol. Petite anecdote, ils sont gonflés à l’azote, réputé pour sa stabilité et sa résistance à l’échauffement.
La SSC Tuatara (turbo) respire fort et froid
Petit bilan de ce qu’on a vu au-dessus, on a affaire à une voiture ultra puissante, taillée pour la vitesse. Surtout équipée d’un moteur bien étudié et deux turbos. Je t’avais dit que ces turbos ont un petit truc en plus. Allons tout de suite voir pourquoi.
Des turbos qui respirent fort
Quand je parle de turbo pour la SSC Tuatara, je veux dire turbocompresseurs. Pour rappel, un turbocompresseur est alimenté par les gaz d’échappement et par l’air ambiant. Les gaz d’échappement sont collectés au dessus de chaque cylindre et conduits le plus directement possible vers la turbine du turbo. L’air ambiant provient du filtre à air et est amené sur l’hélice de compression. La turbine et l’hélice sont reliées entre elles par un axe commun. Quand l’une tourne, l’autre tourne de la même manière.
Sur la SSC Tuatara, les gaz d’échappement sont collectés par deux têtes d’échappement. Une tête par rangée de 4 cylindres. Pour profiter de ce flux de gaz provenant des têtes d’échappement, des passage séparés sont conçus pour que le gaz arrive sur différents endroits de la turbine (1 turbine par turbo). Cela permet à la turbine de tourner plus facilement à bas régime et donc au turbo de donner de la puissance plus rapidement.
Pour profiter de cela, un brevet couvre la nouvelle forme aérodynamique des ailettes de ces turbines ainsi que des lames de l’hélice de compression.
Nouveauté supplémentaire, les turbos tournent dans les sens opposés et ceux-ci se trouvent symétriquement opposés sur les côtés du moteur. Cela permet d’avoir un flux de gaz d’échappement le plus identique possible entre les deux turbos. Nelson Racing Engines déclare que le rendement maximal de ces deux turbos est de 82 % contre 70% sur la plupart des turbos.
Bilan, les gaz d’échappement sont astucieusement envoyés sur la turbine qui entraîne par la suite l’hélice de compression. L’air comprimé a pour objectif de se diriger vers l’admission.
Des turbos qui respirent froid
Pour profiter de cet afflux massif et coordonné de gaz d’échappement qui fait tourner les turbines et donc l’hélice de compression à vive allure, il y a un élément à surveiller. Il s’agit de la température de l’air comprimé par l’hélice de compression. En effet, de l’air comprimé augmente en température et se dilate. De l’air dilaté que l’on envoie dans le moteur est une perte de rendement. Plus l’air est froid, moins il prend de place et plus on peut en mettre dans le moteur (avec du carburant). Plus d’air donc plus de puissance !
Pour résoudre cela, SSC North America et Nelson Racing Engines ont travaillé pour concevoir un échangeur de refroidissement air/eau. L’air compressé qui sort du turbo à la température de 260°C (à pleine charge) passe par cet échangeur et sa température tombe à 130°C. A noter que chaque 10°C de perdu augmente la puissance moteur d’1% !
Ainsi le moteur se retrouve gavé par de l’air sous pression et refroidi, le pied. Il ne reste plus qu’à envoyer la dose de carburant à côté et le moteur ne peut que donner le meilleur de lui-même.
Des innovations techniques pour un record de vitesse en devenir
Cette SSC Tuatara est quand même une voiture bien particulière. Les ingénieurs de SSC North America et ceux de Nelson Racing Engines n’ont pas seulement calés un moteur costaud et 2 gros turbos pour lancer la bête. Ils ont développé des pièces, breveté des mécanismes, trouvé des astuces pour faire de cette voiture, une chasseuse de record de vitesse.
Il n’est pas si facile de gérer une telle puissance, le vrai défi a consisté à rendre cette puissance disponible de 0 à plus de 400 km/h sans danger.
SSC North America a tenté le 10 octobre 2020 de réaliser un record de vitesse officiel. Malheureusement, plusieurs personnes réussissent à prouver que la tentative ne donnait pas assez de garantie sur sa véracité. Les données provenant de la vidéo ainsi que les éléments GPS récoltés ne collaient pas entre eux. Le constructeur a communiqué sur une vitesse maximale atteinte de 532,93 km/h (509,792 km/h de moyenne dans chaque sens du parcours).
Il suffira à SSC de réaliser un autre essai, d’atteindre à nouveau ces vitesses folles et de garantir l’officialisation de ce record de vitesse battu. Il ne reste plus qu’à patienter mais je reste sûr qu’avec ce qu’elle a dans le ventre, la SSC Tuatara y arrivera à la force du turbo !
Merci d’avoir consulté cet article et n’hésitez pas à faire un petit tour sur le site, il y a sûrement d’autres articles qui vous intéresseront 🙂
Inspirations pour écrire cet article sur la SSC Tuatara turbo :
- Page Wikipédia de la SSC Tuatara
- Site officiel de la SSC Tuatara (anglais)
- Nouvelle usine pour nouvelle voiture 100% USA
- La marque SSC North America
- Boîte de vitesse de la SSC Tuatara (anglais)
- Page Wikipédia du vilebrequin
- Fonctionnement d’un turbo compresseur (SSC Tuatara)
- Plongée dans le V8 turbo de la SSC Tuatara (anglais)
- Un record de vitesse à refaire (anglais)